Kholis
Kholis est la nouvelle personne en charge au sein de Flora and Fauna International (FFI) de coordonner leurs programmes sur les espèces clés (l’éléphant faisant partie de ce programme). Nous avons été présentés au bureau et j’ai tout de suite apprécié sa façon de raisonner, sa façon de voir la protection de l’environnement, comme un équilibre entre le développement des populations locales et la conservation de la nature. C’est une personne très mesurée dans ses propos et un chef de projet avec un bon esprit d’équipe.
Si on lui demande quel est son ressenti par rapport à l’éléphant de Sumatra, il ne vous parle pas de son amour ou de son admiration pour l’animal comme certaines personnes le font, mais le place en tant que victime qu’il se doit de protéger. Beaucoup d’éléphants sont retrouvés morts empoisonnés, tués pour leurs défenses où blessés par des pièges. Il se rappelle très bien le premier éléphant qu’il a secouru en 2009, un jeune éléphant pris dans un piège qui l’avait fortement blessé mais qui a pu être sauvé. C’est un conflit, selon lui, très difficile à gérer, car il est étendu et Kholis en reçoit tous les jours de nombreux témoignages. Les éléphants sont « des animaux territoriaux qui parcourent des trajets spécifiques et c’est lorsque ce chemin croise celui des hommes que les conflits surviennent. Il faudrait changer les cultures aux abords des forêts pour des cultures qui repoussent les éléphants, sinon ils resteront des victimes lorsqu’ils se rapprochent trop des villages ».
Kholis, comme beaucoup de personnes travaillant dans la protection de l’environnement en Indonésie, a suivi des études de vétérinaire. Il a commencé par travailler dans un centre de secours pour la faune sauvage qui accueillait des animaux provenant du commerce illégal afin de les soigner et parfois les relâcher dans la nature. Cependant, beaucoup de ses animaux ne pouvaient pas être réhabilités à la vie sauvage et Kholis a donc décidé que la meilleure place pour les protéger serait de travailler directement sur les menaces pesant sur la vie sauvage en Indonésie « avant qu’ils ne soient tués ». Il a laissé derrière lui, non sans regrets, ses compétences de vétérinaire et a commencé à travailler sur les conflits avec les tigres.
Il est très fréquent que les provinces faisant face à des conflits avec les tigres rencontrent aussi des conflits avec les éléphants, principalement les villages se situant au bord de la forêt tropicale, et c’est comme ça que Kholis a commencé à travailler au contact des éléphants : « on ne pouvait pas ignorer les conflits avec les éléphants et se limiter à travailler pour le tigre. J’ai reçu des instructions sur la façon de procéder par d’autres équipes spécialistes des éléphants et je suis intervenu sur certains conflits, le plus important c’est d’être présent ». D’après Kholis, il a pu agir efficacement contre les conflits car il montré aux populations locales qu’il se souciait de leurs problèmes, qu’il ne venait pas seulement prendre des photos des dégâts pour repartir aussitôt, mais qu’il restait assez longtemps pour aider et « ressentir ce qu’ils ressentaient».
Souvent, hélas, les populations locales espèrent une compensation de leurs pertes mais pour Kholis, le taux de corruption est trop fort en Indonésie pour installer un système de compensation efficace. Les conflits avec la faune sauvage deviennent donc « une porte ouverte pour le braconnage, si personne n’est là, les braconniers viendront et régleront le conflit à leur façon en tuant l’animal ». L’intervention rapide sur le terrain est donc, selon Kholis le meilleur moyen pour sauver l’animal à la base du conflit. La situation est la même pour le tigre, les populations locales poseront des pièges ou du poison près de leur village, « et ils ont leurs raisons, par exemple, tant que le tigre est là, il est trop dangereux de retourner travailler aux champs ». Kholis affirme qu’il n’existe pas de loi efficace pour protéger la faune sauvage et que les personnes coupables de tuer une espèce protégée ne sont pas condamnées. Le meilleur moyen de les protéger et de gérer le conflit est d’empêcher qu’ils soient tués.
Kholis a récemment intégré l’équipe de FFI et son nouveau poste demande plus de travail auprès des populations locales. La majeure partie du travail de FFI concerne le développement des communautés et l’implication de « gardes locaux (community ranger)» dans la protection de la nature. Concernant les conflits avec la faune sauvage, il regrette que leur réponse aux conflits soit parfois trop lente puisqu’il passe à chaque fois par les acteurs locaux. Il est nécessaire selon lui « de voir la situation dans son ensemble avant de ne plus avoir de tigre ou d’éléphant sauvage et que l’ensemble de leur community ranger puisse intervenir sur les conflits ». Il reconnait en ce sens la qualité des CRU (Conservation Response Unit, voir le projet) qui ont sensibilisé les community rangers aux conflits avec les éléphants et les ont poussées à intervenir plus rapidement. Cependant d’après lui, les CRU ne doivent pas seulement être reliées aux conflits avec les éléphants. Ils peuvent avoir un impact plus important et sensibiliser la population à l’importance de protéger leur forêt. Ils sont « un outil qui montre aux populations locales que l’on peut trouver des moyens de subsistance sans détruire la forêt ». Il espère ainsi qu’à l’avenir les CRU pourront être davantage et pourront, par exemple, mettre en place autour des camps des plantations qui repousseraient les éléphants, et seraient une source de nouveaux revenus pour l’économie locale.