Mun
Mun, contrairement aux autres portraits, n’est pas directement relié aux CRUs (Conservation Response Unit) et représente donc un point de vue extérieur intéressant. Il travaille sur différents projets avec entre autre, un projet relié au tourisme sur l’île de Pulau Aceh. Je l’ai rencontré pour la première fois, la veille du départ du séjour prévu aux CRUs pour les participants d’une conférence que Flora and Fauna International organisait (FFI, voir description projet). Je recherchais une personne pour faire la traduction une fois au camp, de l’Indonésien à l’Anglais, pour que les participants du séjour puissent partager plus d’informations avec l’équipe. Plusieurs traducteurs se sont proposés mais ont annulé successivement ; à la dernière minute, j’ai eu la chance d’être présentée à Mun, qui seulement 12 heures avant le départ, a accepté le challenge. Nous avons donc ensuite partagé 5 jours au camp de Mane, dont 3 jours de trek dans la jungle. C’était sa première fois au CRU et il s’est parfaitement intégré à l’équipe et a été d’une grande aide pour améliorer les échanges entre les participants et l’équipe. Nous sommes par la suite devenus amis et il m’a aussi accompagné quelques jours sur le second CRU à Sampoiniet.
Mun est une personne qui s’est construit indépendamment, impliqué dans quelques business familiaux, il a appris à parler anglais à la suite du tsunami quand de nombreux étrangers sont venus habités à Banda Aceh. Il aime interagir avec les touristes, rencontrer de nouvelles personnes, apprendre sur d’autres cultures et partager des expériences. Il a ainsi aidé plusieurs journalistes qui faisaient des reportages dans la région, puis en 2006 il a travaillé pour l’association LINA (ligue pour le droit des femmes à Aceh). Enfin dernièrement, il s’est associé à un ami à lui pour essayer de développer le tourisme à Pulau Aceh, île situé à une heure de Banda Aceh.
Malgré ces différentes expériences, Mun n’avait qu’une vague idée de la richesse de l’environnement à Aceh et ne portait pas d’intérêt particulier pour les éléphants. Il a grandi dans un village où les éléphants sauvages créaient de nombreux conflits mais cela ne concernait pas directement sa famille et il n’avait donc « pas d’avis sur la question ». A la suite de son séjour aux CRUs, il m’avoue avoir eu un peu peur de cet énorme animal mais « être tombé amoureux d’eux , en particulier de Rosa (l’éléphanteau du camp de Sampoiniet) – on dirait qu’ils essayent de communiquer avec nous, ce sont des animaux fascinants ». C’est aussi après de longue discussion avec Hasballah (voir portrait, coordinateur du camp de Mane) qu’il a mieux compris le conflit entre l’homme et l’éléphant à Aceh. Il affirme aujourd’hui que c’est la faute de l’homme qui ouvre toujours plus de nouveaux espaces dans la forêt et réduit l’habitat de l’éléphant. Il reprend ses propos ensuite en me disant « je comprends que les populations locales ont besoin de terre pour cultiver, mais dans la région d’Aceh, il y a déjà beaucoup de terre. C’est le gouvernement qui devrait cartographier l’habitat de l’éléphant et en faire une zone protégée. Je sais qu’ils peuvent le faire, mais à la place, les populations locales vont où elles veulent et prennent des terres gratuitement. » Il me raconte l’histoire d’un lieu nommé « point d’eau pour les éléphants » où des villageois ont détruit la forêt pour de nouvelles plantations. Pour lui, ce n’est pas normal ensuite qu’ils se plaignent du conflit avec les éléphants puisqu’ils savaient auparavant qu’ils se trouvaient dans une zone où vivaient les éléphants sauvages. Il termine par « Aceh est une grande région et il y a assez de place pour que l’on n’ait pas à détruire la forêt pour ouvrir de nouveaux espaces ».
Quand je lui demande son point de vue extérieur sur l’efficacité des CRUs selon lui, il m’avoue ne pas connaitre suffisamment les outils pour mitiger les conflits avec les éléphants, ni le programme éducatif associé ou encore la relation qu’entretient l’équipe avec la population locale. Cependant il pense qu’il pourrait être utile que les équipes reçoivent un entrainement pour apprendre à mieux communiquer leur connaissance avec les touristes ou villageois avec qui ils interagissent. Il me dit qu’il croit particulièrement dans l’éducation des plus jeunes puisque c’est eux qui prendront les décisions à l’avenir. Pour ce qui est du potentiel touristique des camps, « c’est un endroit magnifique et cela pourrait aider en augmentant les revenues de la population locale et ainsi réduire le conflit avec les éléphants ». Cependant, il précise que là où sont situés les camps, en particulier Mane, c’étaient des zones de forts conflits durant la guerre civile, ce qui rend la situation, d’après lui, plus compliquée pour développer le tourisme. « C’est très important d’éviter qu’un fossé se creuse entre les touristes, l’équipe des CRUs, la populations locales bénéficiant du tourisme et le reste de la population locale. »